Petit chat

dimanche 6 décembre 2009

L'hôpital cambodgien 2

En mission pour Pasteur j'ai eu l'occasion plusieurs fois cette semaine d'être à l'hôpital. Implanté en pleine Phnom Penh, l'hôpital de l'amitié khmero-soviétique (AKS) est important en terme de fréquentation car tous les services d'un hôpital conventionnel sont représentés mais également car il est fréquemment la cible d'étude de natures diverses. Par l'intermédiaire de supers expat' j'ai eu la chance de vivre le quotidien d'un médecin hospitalier au Cambodge.

Inutile de vous répéter qu'il manque de tout et que certaines choses ne sont pas forcément faciles à voir car je ne vais pas décrire tout ce que j'ai vu à l'AKS. Je vais en revanche tenter de pointer du doigt certaines des nombreuses failles du système de santé cambodgien non pas pour chercher des couplables mais bien parce qu'elles sont en terme d'effets et de conséquences décuplées vu les conditions d'hygiènes dans lesquelles les patients sont plongés en arrivant ici.

Vous le savez tous, le Cambodge a sorti la tête de l'eau il y a à peine 20 ans. Depuis le début des années 90 le gouvernement a ouvert les vannes au niveau du numerus clausus des facs de santé de façon à combler le terrible manque de personnel de santé. Parfois, ceci a été fait au détriment de la qualité. Attention, je ne dis pas que les médecins cambodgiens sont nuls, je dis simplement qu'avec la vitesse à laquelle la santé (technique médicale...) se développe chez nous le Cambodge n'a pas forcément les moyens d'assurer la formation continue des médecins déjà diplomés et donc de les former aux meilleures procédures/thérapies à appliquer aux patients. Le rôle des médecins européens devient alors primordiale. Malheureusement les habitudes ne se changent pas en un rien de temps et c'est avec courage et tenacité qu'Isabelle et Olivier améliore en collaboration avec les médecins locaux le quotidien des patients.

Oui, en plus d'un état des connaissances disparates, les personnels de santé font avec ce qu'ils ont en terme de matériels et médicaments. Vous n'avez pas l'antibiotique adéquat pour soigner l'infection du tube digestif de votre patient; cependant vous savez en gros que la bactérie responsable est un petit peu sensible à l'antibiotique à large spectre X que vous avez en stock. Que faites vous ? Vous lui en donnez au risque de développez une résistance et donc un échec thérapeutique ou vous ne faites rien et le condamnez encore plus vite... Question lourde de conséquence à laquelle est confronté tous les jours chaque médecin cambodgien.

Ah oui, on nous embête en Europe avec "les antibiotiques, c'est pas automatique". Je suis persuadé que plus de la moitié des français (et suisses...) ne se rendent pas compte de la gravité que peut provoquer une surconsommation d'antibiotique. C'est normal car en France on a encore les moyens thérapeutiques pour lutter contre d'éventuelles résistances aux antiobiotiques. Au Cambodge on les a pas. Des procédures bien trop vieilles, des habitudes bien trop ancrées et un arsenal thérapeutique bien trop limité font qu'aujourd'hui les souches résistantes aux antiobiotiques sont ultra nombreuses condamnant des miliers de cambodgiens.

Situation occidentale: La substance X ne marche plus trop sur notre bactérie parce que le germe s'y est habitué en raison d'une sur prescription. La bactérie est donc résistante à X. C'est pas trop grave, on a la substance Y qui marche bien. Au pire, on a encore la substance Z; mais on l'utilise pas trop.

Situation cambodgienne: La substance X ne marche plus trop sur notre bactérie parce que le germe s'y est habitué en raison d'une sur prescription. La bactérie est donc résistante à X. Sauf qu'on a pas les moyens d'acheter Y et encore moins Z. On fait quoi ? Rien...On pourrait éviter de prescrire X tout va mais bon, les habitudes vous savez...

C'est pour cela que pour des cas de plus en plus nombreux de tuberculose MDR (multi drug resistant) l'hôpital cambodgien ne peut rien faire pour ces patients et l'isolement est la seule alternative pour limiter la propagation.

La plupart du temps, avant de passer sous antibiothérapie, les hôpitaux occidentaux font des identifications (galerie API) et des antibiogrammes pour savoir quel antiobiotique est efficace contre la souche infectieuse. Une galerie API coûte à Pasteur par exemple (ou ailleurs) 10$. On demandera de payer au patients 2,5$ pour ça. Faire payer 10$ est inimaginable car trop peu de gens ont autant de moyen.

Car là est un autre problème au Cambodge. Certains hôpitaux fréquentés par les riches ont une stratégie de recouvrement de fond et peuvent donc administrer des soins relativement corrects. Malheureusement la plupart des hôpitaux n'ont pas cette vision à long terme car l'optique de la direction est de procurer des soins aussi pour les plus démunis. Comme le montre la galerie API, l'hôpital public tourne à perte et vit sur la générosité des ONG et leur dons de matériels. Que faire quand ces ONG en question seront parties et que le matériel légué ne marchera plus ou ne sera plus en quantité suffisante ?

C'est ce qu'il se passe en ce moment. Le gouvernement a mis en place un plan sanitaire visant à fournir des médicaments gratuitement aux patients atteints de VIH et TB poussant ainsi les ONG spécialisés sur ces maladies en dehors du pays. Le matériel et les produits stockés par les ONG seront offerts mais en quantité permettant aux hôpitaux de tenir 3 mois sous cette tutelle...

Comme disait P., pharmacienne d'une étude Pasteur décrivant l'hôpital au Cambodge: "if you're poor, you don't have enough money for your medecines: you just have to wait for your death". C'est cru mais c'est tellement vrai...

Il n'y a pas de fautifs particuliers dans cette situation, c'est malheureusement les conséquences d'un pays qui se développe à vitesse grand V et un gouvernement qui ne sait plus où donner de la tête tellement il y a de chose à faire ici. Les pauvres sont les plus touchés, comme d'habitude. Espérons que le gouvernement aura très rapidement les ressources nécessaires pour restructurer le système de santé car la situation est de plus en plus difficile.





Néonatalogie


Étude du dossier avec le chef de service cambodgien











Programme national anti VIH/TB





Petit bébé né avec 2 dents sous gingivales





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Félicitations à la maman


Heures sup' formation néonatologie


Salle d'isolement TB MDR